Les chutes de Sainte-Ursule

La puissance de l’eau

Le débit de la rivière Maskinongé est de 97 m2 par seconde en période de hautes eaux (principalement au printemps). C’est comme si la quantité d’eau pouvant contenir l’habitacle d’un autobus se déversait à chaque seconde. Le débit de la rivière se réduit à 5m2 par seconde en période plus tranquille des basses eaux.

Que ce débit soit lent ou rapide avant d’amorcer le saut des chutes, la vitesse du courant, elle s’accroît de manière importante au passage de ces dernières en raison de la forte pente et du resserrement de la gorge.
Entre les années 1870 et 1908, un moulin à scie et une pulperie ont tiré leur force motrice de la présence des chutes. A elle seule la force hydraulique de la petite chute pouvait faire fonctionner une multitude de machines. Pas mal pour quelques gouttes d’eau !

On dit aussi que dans le temps de la drave (une pratique de flottage du bois aujourd’hui abandonnée) les billots passant par la troisième chute faisaient des bonds d’une hauteur de plus de 15m. Ils en ressortaient les bouts rongés de 8 à 10cm.

C’est l’écorce de la priche moulue qui servait à l’époque à récupérer le « tanin » utilisé pour rendre les peaux d’animaux imputrescibles lors du tannage de celles-ci. Le tannage est l’opération qui consiste à transformer les peaux en cuir. Une grande tannerie était d’ailleurs implantée 5 km en amont des chutes au village de « Yaletown ».

On trouve aussi à quelques endroits au bas des chutes des « marmites ». Une marmite est une cavité rocheuse circulaire formée par l’usure d’un cailloux qui tourbillonnant sans cesse dans la cavité meule progressivement le socle de pierre.,

Tout un saut
Les chutes de Sainte-Ursule forment un ensemble de cascades et de chutes qui représente un dénivelé total de 70m de hauteur.

Le dénivelé est la mesure de l’écart entre le point le plus élevé et le plus bas. De ce point de vue, les chutes de Sainte-Ursule sont plus hautes que celles du Niagara !

On distingue 7 sauts de la rivière, dont 4 sur le lit principal. 3 empruntent l’ancien lit pendant les périodes de débordement du lit principal.

La géologie

Ici, dans le parc des chutes de sainte-Ursule, on remarque la présence du socle rocheux de la chaîne de montagnes des Laurentides, au sommet des collines, dans les portions supérieures du lit de la rivière et sur les flancs de la gorge sculptée par le passage des eaux.

La chaîne montagne des Laurentides fait partie de ce qu'on appelle le "Bouclier laurentien" (ou Bouclier canadien). Le Bouclier laurentien compte parmi les plus anciennes formations géologiques du globe. Il se compose principalement de granites d'origine ignée et de gneiss, d'origine métamorphique. Les roches ignées sont formées par la solidification des magmas. Le cap de roche exposé par les chutes cinq, six et sept fait partie d'une formation de granite rose et rouge.

Les formations de gneiss se reconnaissent à leur forme adoucie et à leurs minces bandes parallèles. Ces roches, dites métamorphiques, sont des roches sédimentaires ou ignées ayant subi des transformations minéralogiques causées par des élévations de température. L'âge de ces roches se situe entre 2,5 milliards et 955 millions d'années.

Au pied de la quatrième chute, une formations intermédiaire de grès fait la jonction entre le socle du bouclier et une formation de roches calcaires. Ces formations, d'origine sédimentaire, se sont formées par l'accumulation de sédiments composés de fragments de roches et de débris divers. Ces formations ont pris forme dans les anciens fonds marins de la mer de Champlain, il y a 600 à 200 millions d'années. Les multiples dépôts, dont la composition et les dimensions sont variées, s'y sont accumulées formant un gigantesque "mille-feuilles". On dit que cette pâtisserie géante serait d'une épaisseur moyenne de 1200m, dans la région de Montréal et de 3000m, dans le voisinage du lac Saint-Pierre.

Le bas des chutes se caractérisent aussi par la présence de deux lignes de faille perpendiculaires aux chutes: les doubles failles de Saint-Cuthbert. Ces failles expliquent les virages brusques de la rivière à cet endroit. Les failles sont des cassures plus ou moins planes, entraînant une séparation des couches situées de part et d'autre. Incapables de résister aux efforts de flexion les roches se cassent et tracent une ligne de démarcation dans la formations géologique.

La déviation

N’est-il pas étrange que la rivière coule aujourd’hui dans un lit plus élevé que son ancien lit situé en parallèle tout à côté ? La rivière Maskinongé, d’une largeur de 10 à 30m s’étend suspendue du côté Nord-est, en bordure de la partie la plus creuse de la vallée. Cette dernière mesure 400m de largeur et près de 60m de profondeur à l’égalité des ponts de chemin de fer. Etonnant non ?

Cela explique par le fait que la vallée elle-même s’est creusée il y a fort longtemps par les passages successifs des glaciers. La rivière fut jadis beaucoup plus importante et coulait assurément dans son lit principal. Après la fonte des derniers glaciers, le relèvement progressif des niveaux des continents et la diminution des volumes d’eau de la rivière ont favorisé l’accumulation d’un bouchon de sédiments à quelques kilomètres plus en amont.

Ainsi, la lente accumulation de dépôts de sable, de graviers et de résidus dans une portion de la rivière en pente douce et à faible courant a formé un barrage naturel. La consolidation de ce barrage a orienté, petit à petit, le lit de la rivière du côté nord-ouest de la vallée, asséchant du même coup le tronçon du cours principal. Aujourd’hui, cet ancien lit passant au pied du grand pont de chemin de fer est devenu le déversoir de la rivière en période de crues printanières et de hautes eaux occasionnelles. Mais pourquoi donc la rivière s’écoule-t-elle davantage par la petite chute que la grande ? C’est l’usure de l’eau et du gel qui a lentement érodé un filon de pyrite de fer, une roche friable contenue dans le cap rocheux de gneiss qui bloquait le passage et de l’eau et la détournait vers la grande chute.

L’eau s’est infiltrée graduellement en dessous du cap rocheux pour former une coulée souterraine. Le dessus du cap fut par la suite dynamité lors de la construction du moulin à bois et de la pulperie, ce qui eut pour effet de dégager l’ouverture de la gorge.


Le pont du « Grand Tronc »

L’impressionnant pont du chemin de fer qui enjambe la vallée reste encore aujourd’hui malgré son âge vénérable, un ouvrage d’ingénierie qui impose le respect. Construit en 1900 par la compagnie du « Grand Tronc» il était à son époque le plus long du Canada, avec son tablier de 346m (1135pi).

La hauteur de sa structure d’acier, savamment assemblée de poutrelles de formes diverses, de plaques d’assemblage et d’une multitude de boulons n’est pas en reste. Ainsi, le tablier du pont s’élève à 56,4 m (185 pi).

Aujourd’hui, le pont demeure régulièrement utilisé. Cinq à dix convois l’empruntent quotidiennement. Ces trains assurent le service ferroviaire entre Montréal, le lac Saint-Jean et l’Abitibi en passant par Hervey-Jonction en Mauricie.

Bien que pour des raisons de sécurité, l’accès au pont soit interdit au passage des piétons, la vue de cette hauteur permet d’admirer le damier irrégulier des terres agricoles de Sainte-Ursule, Saint-Justin, Louiseville et Maskinongé qui s’étendent jusqu’aux rives du lac Saint-Pierre.

Arbres têtus
Les arbres nous étonnent toujours lorsqu’ils s’accrochent, tels des acrobates, dans des endroits inusités. Leurs racines enlacent les affleurements rocheux de leurs longs doigts pour tenir tête aux vents qui ne manquent pas de venir les secouer de temps à autre. A ce jeu, les pins et les thuyas font figure de champions. On les reconnaîtra à leurs aiguilles caractéristiques.

Le pin blanc (Pinus strobus) est un arbre de bois tendre qui porte des feuilles en faisceaux de 5 aiguilles. Ils poussent dans des endroits divers, mais de préférence dans un sol sablonneux et humide. Il croît en peuplements purs ou mêlés avec des pins rouges et gris dans les sols sableux. Il se retrouve aussi mêlé à l’épinette blanche au sapin ou au bouleau blanc dans les sols humides.

Le pin rouge (Pinus resinosa) est un bois dur qui porte des feuilles en faisceaux de 2 aiguilles. Il préfère les sols sableux ou graveleux, mais s’accommode d’une variété de terrains. Son enracinement de faible profondeur est très étalé. Il pousse en peuplements purs et supporte mal l’ombre des autres arbres où il doit dominer. Il peut néanmoins se mélanger aux pins blancs et gris ou se retrouve ça et là avec des épinettes ou d’autres arbres feuillus.

Le thuya de l’est (Thuya occidentalis) que l’on associe à tort avec le cèdre européen, préfère les sols calcaires. Dans les sols acides des Laurentides, il se tient généralement en bordure des plans d’eau, profitant du lavage périodique de ses racines pour rétablir le niveau d’acidité. Il s’accommode très bien d’une mine couche de sol souvent sèche, qui recouvre les coteaux rocheux. Il se mêle généralement à l’épinette, au sapin baumier, au mélèze larcin, au frêne noir et à l’orme d’Amérique.

Les écosystèmes sont en évolution constante. La végétation change avec le temps et les êtres vivants s’adaptent aux milieux qu’ils occupent contribuant à les modifier à leur tour. C’est le phénomène des successions écologiques. Les communautés de plantes et d’animaux se remplacent l’une après l’autre pour atteindre une communauté stable : le climax.

La végétation connaît donc plusieurs stades de développement, influencés par les différents facteurs que sont le microclimat, l’ensoleillement, l’humidité, le type et la fertilité de sol, la compétition, l’exposition au vent, la disponibilité des semences, etc. Les plantes colonisent un lieu, atteignent un niveau de développement et cèdent leurs places à d’autres essences.

Les essences d’arbres qui exigent un maximum d’ensoleillement pour se développer tels que le peuplier, le saule et le bouleau à papier, sont appelées « essences intolérantes ». Ce sont les premières à s’établir, avec des essences peu exigeantes comme le pin gris, sur des terrains dénudés ou qui ont subi des perturbations importantes: coupe forestière, feu, broutage excessif, etc. les essences dont les semences peuvent se développer sous un couvert ombragé sont appelées « essences tolérantes ». Ce sont généralement les essences à grand développement qui ont une longévité prolongée: le chêne, l’érable, l’orme, le hêtre, le pin blanc, etc.

Les plantes se partagent les territoires pour former différentes colonies végétales qui supporteront à leur tour une faune diversifiée. C’est cette variété écologiques, « la biodiversité » qui assure une bonne partie la survie du monde vivant, en recherche constante d’équilibre.

Au gré de vos visites dans le parc, vous serez à même de découvrir l’érablière à bouleau jaune du piedmont ou l’érablière à feuillu tolérants qui occupe le plateau. Sur les faîtes des affleurements rocheux des collines, ce seront les groupements de pins rouges, de pins blancs et d’épinettes qui prendront souvent la vedette. Dispersés ça et là se retrouvent les chênes, les pruches et les hêtres qui comptent parmi les essences le plus fréquemment observé.

 

Les pieds au frais.

Le piedmont de roche ignée des Laurentides vient ici disparaître sous la formation de grès sédimentaire. Il forme un plateau étroit en pente douce, fortement arrosé par les eaux de pluie des coteaux supérieurs, de même que par les vapeurs et les nuages d’eau régulièrement poussés des chutes par les vents dominants de l’ouest. Toutes cette eau assure une humidité importante du sol en favorisant le développement d’un écosystème qui s’organise pour en tirer parti.

Un milieu généreux
Les explorateurs remarqueront en bordure de chemin et des sentiers quelques flaques d’eau dispersée au travers de la forêt. Ces flaques d’apparence anodine sont formées par des dépressions mal drainées. Elles sont remplies par l’accumulation momentanée des eaux de ruissellement ou par la présence d’une nappe d’eau souterraine à faible profondeur. En fait, le sol de ces zones est généralement saturé d’eau, laissant apparaître les surplus que les plantes sont incapables d’absorber.

Sans être des étangs ni des marais, ces petites zones connaissent une activité biologique fébrile. Elles sont le rendez-vous d’une variété d’oiseaux qui viennent y chercher leur nourriture abondante… les moustiques ! Ces mal-aimés de nos forêts profitent de ces flaques d’eau pour pondre leurs œufs et se multiplier à leur tour.

On rencontre heureusement à proximité de ces milieux humides des occupants moins incommodants : les fougères. Ces plantes constituent un nombre important de familles et d’espèces. Voici quelques-unes des espèces les plus fréquentes dans nos forêts.

Les oiseaux du parc

On retrouve couramment au parc une dizaine d’espèces d’oiseaux familiers des forêts mixtes du sud du Québec. Ces espèces apprécient les habitats variés qui assurent la nourriture, la protection et les aires de nidification recherchées. L’espèce la mieux représentée est le Bruant familier (Spizellapasserina) . Comme son nom donne à penser c’est un oiseau qui fréquente aussi bien les campagnes que les jardins des villes.